Régime dérogatoire pour les « micro –copropriétés » : Pas si simple quand on est deux !

Les copropriétés constituées de deux propriétaires se retrouvent bien souvent confrontées à des situations de blocage. En effet, la gestion de ces dernières relève plus d’une gestion familiale que d’une gestion légale conforme aux règles établies par le code la copropriété, les règles comptables ou le règlement de copropriété.

Face aux nombreux points de blocages rencontrés au sein de ces « micro-copropriétés », l’ordonnance du 30 octobre 2019, mise en application le 1er juin 2020, a modifié la réglementation afin de s’’adapter au mieux à ce type de syndicat et notamment permettre de préserver son équilibre financier.

Il est bien souvent difficile de garder une bonne entente entre propriétaires lorsque les intérêts divergent ou que l’un des deux ne respecte pas ses obligations notamment en ce qui est du paiement des charges de copropriété. 

1-     Pas simple d’être syndic non professionnel quand il faut réclamer les sommes dues à son voisin

Le syndic non-professionnel (communément appelé « bénévole ») a les mêmes responsabilités et fonctions qu’un syndic conventionnel.

Lorsque la copropriété ne présente pas de difficultés et que l’entente entre les deux propriétaires est au beau-fixe, la gestion en est très simple et permet une économie non-négligeable en passant outre un syndic professionnel.

Mais les difficultés arrivent rapidement lorsque l’un des deux se sent lésé dans la gestion ou décisions soumises et prises lors de l’assemblée générale.

Le copropriétaire exerçant la fonction de syndic, peut à présent se faire assister et déléguer ses fonctions à un intervenant extérieur.

Cette intervention doit être contractuelle et limitée dans le temps. L’intervention d’une personne neutre va permettre de mettre en place certaines décisions notamment en ce qui concerne le recouvrement des charges impayées. La pression qui pourrait être exercée par le copropriétaire défaillant sur l’autre en est alors amoindrie.

2-     Un pouvoir accru pour les deux copropriétaires avec une préférence pour le copropriétaire majoritaire

2-1 Le recouvrement des charges impayées

Depuis le 1er juin 2020, le propriétaire qui n’a pas la fonction de syndic à désormais aussi pouvoir d’engager une action en recouvrement charges impayées à l’encontre de l’autre copropriétaire. Cette possibilité est également applicable en cas de carence du syndic ou même en cas d’absence de mandataire.

Ceci est une bonne nouvelle, car les tensions interviennent bien souvent lorsque l’un doit supporter seul les coûts de gestion de l’immeuble (assurance, eau, gaz, impôts, etc.) en cas de défaillance du second copropriétaire et le met alors en difficulté financière.

Cela permet également, en cas de connivence entre le syndic et l’un des deux copropriétaires (débiteur), de permettre à l’autre d’initier une procédure en recouvrement de charges en passant outre le mandataire en place. 

2-2 Convocation d’une assemblée générale par l’un ou l’autre avec une fonction de décisionnaire pour le copropriétaire majoritaire

Les deux propriétaires peuvent à présent convoquer une assemblée générale en veillant bien à notifier au second copropriétaire les points mis à l’ordre du jour. Une exception a été ajoutée à savoir la possibilité d’ajouter des points à l’ordre du jour avec obligation d’en informer au préalable l’autre propriétaire.

Un pouvoir accru a été accordé au copropriétaire majoritaire en lui donnant la possibilité de prendre seul des décisions relevant de la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 (budget, petits travaux, approbation des comptes, etc.), la désignation du syndic et décisions relevant de la gestion courante.

Cette nouvelle disposition permet ainsi d’éviter certains blocages notamment :

  • L’élaboration et approbation du budget prévisionnel et l’exigibilité des appels trimestriels,

  • Assurer la conservation de l’immeuble en permettant l’engagement de travaux d’entretien ou de réfection,

  • Éviter que le syndicat se retrouve dépourvu de mandataire.

3- Les limites de la possibilité d’engager une procédure en recouvrement des charges

Un copropriétaire est certes dans l’obligation de régler les provisions et charges qui lui sont appelés, mais ces dernières doivent être exigibles.

Pour ces micro-copropriétés dont aucune assemblée générale n’a été convoquée depuis des années, les différents budgets annuels et apurement des charges ne sont donc pas exigible.

Par conséquent, l’engagement des procédures s’avérera impossible pour le copropriétaire lésé et non majoritaire puisqu’il n’a pas le pouvoir d’approuver lui-même les budgets à minima. Il aura pour seule possibilité de faire reconnaître devant le Tribunal les sommes qu’il a engagées pour l’entretien de l’immeuble.

4- Donner du pouvoir au copropriétaire majoritaire une si bonne idée ? 

Mais une interrogation se pose : ce pouvoir, donné au copropriétaire majoritaire, pourrait-il avoir un effet pervers et mettre en péril les « petits propriétaires » ?

Beaucoup de ces petits propriétaires sont bien souvent des personnes (majoritairement âgées) avec de faibles revenus.

En effet, le copropriétaire majoritaire, ayant les ressources financières, pourrait sciemment utiliser ces possibilités qui s’offrent à lui pour « étrangler » financièrement le second propriétaire afin de l’obliger à long terme de vendre ses lots.

Un promoteur, ou autre marchand de biens, risque de s’engouffrer dans cette brèche et acquérir ainsi bon nombre de petits immeubles à deux copropriétaires afin de faire ensuite une belle opération immobilière.  

Il serait peut-être nécessaire de protéger les propriétaires lambdas en donnant pourquoi pas les mêmes pouvoirs et possibilités que les copropriétaires majoritaires par soucis d’équité. 


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